Caméra et GSM au volant
L’Organe de contrôle de l’information policière alerte en Belgique : « L’utilisation de caméras intelligentes pour détecter l’usage du GSM au volant n’est pas autorisée par la loi, même pour un test ! »
Le ministre fédéral de la Sécurité routière, Georges Gilkinet (Écolo), a demandé d’organiser une nouvelle batterie de tests avec les caméras intelligentes, capables de détecter des comportements interdits au volant. Comme l’usage du GSM, responsable de trop nombreux accidents sur nos routes.
« Le marché vient d’être attribué. Les tests de la caméra intelligente auront lieu au début de 2023 dans cinq zones de police locale, deux en Wallonie, deux en Flandre et une à Bruxelles », nous confiait le cabinet du ministre Gilkinet. L’Organe de contrôle de l’information policière (COC), une institution parlementaire autonome qui est l’Autorité de protection des données policières, tire la sonnette d’alarme. « Actuellement, la loi ne permet pas à une caméra ANPR d’être utilisée pour détecter le GSM au volant », rappelle Frank Schuermans, magistrat et codirecteur du COC. « Nous sommes tombés des nues en entendant parler dans la presse de la réalisation de ce test, pour lequel nous n’avons jamais été consultés, ni par une zone de police ni par le cabinet du ministre Gilkinet. Notre souci prioritaire, c’est que la police suive la loi. Or, la loi actuelle n’autorise pas l’utilisation des caméras pour le GSM au volant. Ou alors, il faut changer la loi pour permettre le test ».
Frank Schuermans est d’autant plus inquiet qu’il entend, dans la presse, qu’on parle de «caméras intelligentes ». « Comme nous n’avons été saisis d’aucun dossier, j’ignore totalement ce que le ministre entend par là. Tout ce que je peux vous dire, c’est que la biométrie et la reconnaissance faciale avec des moyens technologiques sont strictement interdites dans notre pays. Même pour un test ! Et dire que l’on mettra un policier à côté de la caméra, pour justifier l’usage de la caméra, ne suffira pas ! Croyez-moi, le problème n’est pas si simple ».
Tout l’intérieur du véhicule
Ce projet a suscité d’autres inquiétudes, liées à la vie privée. Axel Legay, professeur en cybersécurité à l’UCLouvain, s’interroge publiquement sur son mur Facebook : « Des caméras pour détecter qu’on utilise son GSM au volant : sur le principe, très bonne idée. Dans les faits, ces caméras auront accès à l’ensemble de l’intérieur de votre véhicule pour une analyse par intelligence artificielle. Un problème très complexe tant techniquement que du point de vue de la protection de la vie privée ».
Le projet prévoit quatre photos : la première de la plaque, la seconde de l’environnement en général, la troisième de l’habitacle et la quatrième du conducteur. Mais la technique en permet plus encore. Actuellement, les caméras ANPR (liseuses de plaque) de dernière génération, comme il en existe des centaines le long de nos routes, photographient la plaque mais aussi le pare-brise et votre visage. « Ces images ne sont utilisées qu’en cas de contestation du conducteur, qui nierait être au volant », précise Frank Schuermans. « La police ne peut conserver ces images qu’un an maximum dans sa base de données. Ces images peuvent aussi être utilisées de manière rétroactive, pour les besoins d’une enquête judiciaire et avec l’accord du parquet ou du juge d’instruction selon les cas ».
Au cabinet du ministre Gilkinet, on nous dit ce vendredi que le test doit encore faire l’objet d’une analyse de risque et d’impact quant à la vie privée. Et qu’un avis doit encore être demandé à l’Organe de contrôle de l’information policière. « Le premier test visait à tester la technologie uniquement, tandis que le second test prévu pour début 2023 aura lieu, lui, en présence d’un agent qualifié sur place ».
Mais personne ne peut nous préciser si l’on changera la loi avant le test ou pas… Le COC, lui, a une position bien tranchée.
On ne veut visiblement pas revivre l’affaire Clearview, du nom de ce logiciel américain de reconnaissance faciale testé par notre police fédérale… en toute discrétion.